Avant la manifestation de tous les soignants, le matin, des salariés de Korian à l'appel de trois syndicats se sont rassemblés en France. Dans la capitale, cela se passait devant le siège de l'entreprise. Korian est accusé de ne pas respecter ses engagements sur la prime Covid.
« On veut nos sous ». « On va gagner ». « Sophie Boissard [DG de Korian, NDLR] menteuse ». En cette matinée du 16 juin, le tranquille et rutilant 8e arrondissement de Paris a été quelque peu perturbé par un rassemblement assez rare. Devant le siège de Korian, la première entreprise européenne de maisons de retraite, environ 300 personnes venues de toute la région parisienne et même des départements voisins (comme l'Eure) se sont retrouvées en ce jour de colère organisé par la CGT, Sud et FO, les trois syndicats contestataires (lire notre article sur le paysage syndical).
Une centaine de débrayages
Mais cette mobilisation n'était pas seulement parisienne. Dans des tas d'autres villes, les soignants ont débrayé. Les organisateurs parlent d'une centaine de débrayages (sur 400 Ehpad et cliniques). Sur l'agglomération de Tours, explique Isabelle Jalalis, déléguée syndicale centrale de Force ouvrière et issue de cette région, huit des neuf établissements ont connu des mouvements de grève. Les salariés se sont retrouvés sur deux lieux différents, notamment sur un rond-point. Principal grief : « Korian ne tient pas ses promesses. » Dans le collimateur, la fameuse prime devant être versée aux salariés.
Une prime de 1 000 euros promise
Pour comprendre le dossier, épineux à souhait, il faut revenir en arrière. Fin avril, alors que plusieurs Ehpad ont connu une véritable hécatombe et que les salariés mettent en cause le manque de masques, Sophie Boissard lâche sur BFM la promesse d'une prime de 1 000 euros pour tous les salariés de l'entreprise. À ce moment-là, le gouvernement n'a encore rien annoncé pour remercier les soignants.
Les CDD concernés
Six semaines après, le tableau est quelque peu différent. La direction de Korian va verser le 6 juillet une prime de 1 500 euros. « Sont éligibles à la prime exceptionnelle de 1 500 € l'ensemble des salariés en CDI, comme à durée déterminée (CDD), ainsi que les salariés en apprentissage présents au cours de la période de référence (1er mars au 30 avril) », explique Korian dans un communiqué (1). Précision importante : la prime sera bien proratisée en fonction du nombre de jours travaillés, mais les situations d'accident du travail, maladie, RTT... ne donneront pas lieu à une réduction de prime.
Peur d'une entourloupe
Ce point important a été obtenu grâce à la mobilisation du 25 mai où les trois syndicats avaient appelé à la mobilisation. « D ans le projet initial de la direction, les CDD étaient oubliés », précise la responsable FO. Mais sur le fond, la pilule ne passe pas. Pour les trois syndicats contestataires, la direction de l'entreprise cotée en Bourse est en train de faire une entourloupe. Selon eux, les employeurs ne peuvent s'abriter derrière la prime d'État pour ne pas verser leur prime de 1 000 € promise. La proposition de Korian aboutit à compléter de 500 € le montant versé aux collaborateurs ayant exercé dans les zones vertes. Ailleurs, notamment en région parisienne, où la prime d'État atteint les 1 500 euros, Korian n'aurait pas à mettre la main à la poche.
1 600 € après 20 ans de boîte
D'autres revendications émergent également lors de ce rassemblement très vivant qui a été évacué en douceur par les CRS. Dans l'après-Covid, la question des effectifs est fondamentale. Une salariée signale que les CDD recrutés ont vite été remerciés. D'ailleurs toucheront-ils la prime versée en juillet ?, s'interroge-t-elle. Là comme ailleurs, l'épuisement des soignants est patent. Ceux-ci demandent également une revalorisation des salaires. « Au bout de 20 ans de boîte, je ne touche que 1 600 € », s'exclame une salariée en colère.
Un 13e mois à revoir
La question du 13e mois est également présente sur les affiches. De quoi s'agit-il exactement ? « Récemment, la direction de Korian, explique Albert Papadacci, leader de la CGT, a mensualisé le versement du 13e mois. Pour certains soignants, cette augmentation a eu des conséquences sur le versement de l'APL ou de la prime pour l'emploi. »
Un pactole convoité
Par-delà les revendications salariales, la CGT, sur son blog, en appelle à une redistribution des richesses. « N'oublions pas qu'il reste 54 millions d'euros dans la nature grâce à notre mobilisation qui a forcé les actionnaires à refuser leurs dividendes cette année. Cet argent est le nôtre. » Une assertion qui fait bondir Raphaël Berhaiel, délégué syndical CFDT : « Ces 54 millions d'euros n'appartiennent pas aux salariés de France mais à tout le groupe et ses 60 000 salariés présents dans sept pays. » Pour ce responsable syndical qui s'est battu pour que la prime soit touchée par tous les salariés, y compris les CDD, il serait temps « d'arrêter de dire des conneries ». Ambiance !
(1) Sollicitée, la direction de Korian n'a pas donné suite à notre demande d'entrevue.
Lire notre dossier juridique : Prime Covid : conditions d'octroi dans le secteur social et médico-social